Le sens du partage
(... Quand notre langage en dit long sur nous !)
SuperMadames qui lisez mes lignes, si vous avez l'habitude de fréquenter ces pages, alors vous savez à quel point la notion de partage m'est chère : c'est l'intention première qui a présidé à la création de ce blog, il y a quelques années.
L'idée de base, c'était l'utilité (le partage d'informations utiles avec chacun.e d'entre vous), mais aussi la réciprocité, dans un esprit d'entraide partagé.
Parce que oui : dans "partage" il y a la notion de communauté d'interaction : la préposition "avec" (on partage "avec"), qui signifie "conjointement", "en compagnie de", le dit bien ! D'ailleurs : qu'est-ce par exemple qu'un "amour partagé" ? C'est un amour mutuel entre deux (ou plus, bon...) personnes.
Mais hélas - trois fois hélas - j'ai l'impression que le sens du mot "partage" est en train de changer.
Cela m'est apparu très nettement alors que, sortie d'un réseau social quelconque, l'erreur syntaxique la plus répandue en ce moment m'a fait sursauter d'agacement, pour la millième fois :
"Je vous partage ici..."
Car non, il faudrait vraiment le leur dire : on ne partage pas "à" quelqu'un, mais "avec" quelqu'un. À la place, ce qu'il faudrait dire pour s'exprimer en français correct, c'est : "Je vous donne", "Je vous livre ici"... Dans ce cas, on est dans le don à 100 % et c'est un choix, méritant d'ailleurs, et qui à ce titre devrait être justement signifié par le langage.
Mais le partage, lui, n'est pas un simple cadeau car il engage toutes les parties : celui qui offre une part de lui-même, tout autant que celui qui la reçoit en tant que telle. Et toujours, le partage convoque une attention mutuelle envers l'autre.
Le problème, c'est qu'à force d'entendre cette erreur syntaxique cent fois par jour et partout, on commence à intégrer la confusion : "partager à" devient normal, induisant du coup que le partage est... unilatéral. Et nourrissant, en le plaçant sur un axe non plus horizontal mais vertical, une attente consumériste. C'est-à-dire : de l'autre vers moi. Et c'est tout.
Dommage.
Car plutôt que de tomber du côté où elle penche, notre société gagnerait sûrement à développer les valeurs du collectif, du dialogue et de l'entraide. Hélas, c'est un fait : la réciprocité n'est pas la chose la mieux partagée en ce monde individualiste...
Et toi, qu'en penses-tu ?